Bétissart à Ormeignies

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1608 | ‘Topographie et plan du Chasteau de Bettissart
avec partie du village, gardins, prets, pastures, fossés et terres labourables y adiacens’
[FOR1976]

Bétissart est un hameau du village d’Ormeignies près d’Ath. Au fond de la rue du Sart, se dresse un ensemble de bâtiments rappelant la splendeur de cette ancienne seigneurie.

Le nom de Bétissart [Wikipedia] apparaît en 1161 [LEC4]. Il signifie le sart (terrain boisé défriché pour la culture) de Bertin ou d’Albert. Les formes les plus anciennes sont Albertissarto (1161), Bétinsart (1235) ou Biétinsart (1385). C’est un essart de l’alleu de Chièvres.

À la fin du XIIIe siècle, la terre de Bétissart passa à la famille de Hauscy.

Selon Félix Hachez (HAC1895), Jehan Séjournet (1) devint seigneur de Bétissart à Ormeignies en 1394. Maurice Van Haudenard, historien à Ath, écrit que la « famille Séjournet, de Valenciennes » avait acquis la terre de Bétissart « en 1394, de Moriel d’Astices, époux de Jenne de Hauscy, fille d’Alexandre et d’Isabeau de Lalaing » [HAU1921].

Berceau des Séjournet durant quatre générations, Bétissart entra dans l’histoire juridique médiévale quand, le 15 novembre 1411, Jehan Séjournet (1) accorda la Charte-loi de Bétissart.

L’original de la Charte-loi de Bétissart du 15 novembre 1411 fut perdu lors de « l’incendie du Dépôt des Archives de l’Etat à Mons, le 16 mai 1940 », écrit Daniël Leclercq, professeur d’histoire à l’Institut Provincial d’Ath. Maurice Van Haudenard, historien, avait heureusement copié le registre, intitulé « Registre des seigneurs justiciers qui ont demandé de nouvelles loix au chef-lieu de Mons de 1396 à 1426 » [HAU1943]. On y trouvait notamment les « lois de chef-lieu » des seigneuries de Bétissart (fol. 36) et d’Ormeignies (fol. 65 v°).

« Les chartes-lois sont des sortes de contrats passés entre les populations rurales et leurs seigneurs. Elles sont en fait la mise par écrit des droits et obligations de chacune des parties en cause, l’entérinement des coutumes. Ce texte essentiel dans la vie des hommes du Moyen âge réglait une série de situations extrêmement variées et souvent quotidiennes. Des articles traitent des querelles, plaintes, injures, témoignages. La protection de la propriété privée (champs, pâtures, bétail) ou publique était assurée notamment par des corvées pour remettre en état les chemins. La qualité du pain et de la viande était contrôlée. Les élections d’un garde-champêtre, d’un garde forestier, des percepteurs d’impôts (droit de terrage, droit de tonlieu) sont prévues. Les débits de boissons (vin, cervoise et autres breuvages) sont réglementes et taxés. On ne peut pas y jouer aux dés ni y tenir une maison de débauche. Les poids et mesures doivent être contrôlés à Mons où sont conduits en prison ceux qui injurient les échevins dans l’exercice de leur fonction (c’est le seul cas d’emprisonnement prévu par la charte-loi). Il est certain que ce genre de texte nous renseigne de façon plus ou moins précise sur le genre de vie de nos ancêtres, d’autant plus que les documents sont relativement rares à ce sujet », précise Daniël Leclercq.

La descendance de Jehan Séjournet (1) hérita Bétissart. Son fils Jehan (1.1), son petit-fils Jacques (1.1.4) et son arrière-petit-fils Joachim (1.1.4.6) en devinrent successivement le seigneur.


DATES CLEFS ET ÉV
ÉNEMENTS FAMILIAUX A BÉTISSART

27 janvier 1418 | Jean Séjournet (1.1.1) naît au château de Bétissart à Ormeignies († à l’âge de trois mois, inh. à Ormeignies).

septembre 1439 | Marguerite Parti, épouse de Jehan Séjournet (1.1), décède au château de Bétissart et est inhumée à Saint-Julien à Ath. 

19 mars 1445 | Elaine Séjournet (1.1.4.1), fille de Jacques, naît château de Bétissart

1er mai 1446 | Marguerite Séjournet (1.1.4.2) naît ‘en l’Hostel du dit Bettinsart’

27 novembre 1447 | Jean Séjournet (1.1.4.3) naît au château de Bétissart, bp à Ormeignies

26 mars 1449 | Jessé Séjournet (1.1.4.4) naît au château de Bétissart († à l’âge de quatre mois et gît devant Saint-Ursmer en l’église d’Ormeignies). 

7 septembre 1450 | Sebille Séjournet (1.1.4.5) naît au château de Bétissart, bp en l’église d’Ormeignies

8 octobre 1452 | Joachim Séjournet (1.1.4.6) naît à Bétissart, bp à Ormeignies

16 novembre 1453 | Isabeau Séjournet (1.1.4.7) naît au château de Bétissart (‘Elle vécut huit jours, et gist à Ormeignies, devant Saint-Ursmer’)

2 mai 1455 | Jacques Séjournet (1.1.4.8) naît au château de Bétissart († à la Saint-André en l’an 1457)

28 avril 1456 | Escuier Jacques Séjournet (1.1.4) est mentionné comme seigneur de Bétissart.

30 janvier 1483 et 29 janvier 1487 | Joachim Séjournet (1.1.4.6) est qualifié seigneur de Bétissart. Joachim Séjournet et Jenne de Montigny eurent seize enfants, tous nés à Ath, sauf les troisième, quatrième et cinquième, nés à « Bettinsart », tous cités dans le Livre de raison avec leur parrains et parraines.

octobre 1483 | Janet Séjournet (1.1.4.6.3) naît à Bétissart, bp en l’église Monsr Saint-Ursmer, à Ormeignies 

1484 | Jacques Séjournet (1.1.4.6.4) naît à Bétissart « le jour des âmes de 1484 », bp à Ormeignies († en juillet 1494, inh. à Ath)

5 avril 1487 | Fastré Séjournet (1.1.4.6.5) naît à Bétissart, le jour de « St Marcque » († en janvier 1498, inh. en « l’attre St Julien »)

1469 | Ormeignies compte 59 ‘feux’ [MAT1]

23 janvier 1502 | Etablissement du nouveau cartulaire des fiefs du Hainaut : Joachim Séjournet (1.1.4.6) donne le dénombrement de Bétissart, dont une copie existe à la Bibliothèque Royale, Manuscrit Goethals, n°318. Joachim y déclare tenir de Guillaume de Croy, chevalier, seigneur de Chièvres « Ung fief liege, nommé la terre et seigneurie de Bétissart, se comprendant en une maison, motte, édifice, grange, estable, bassecourt, encloze, de fosséz, en cens, en rentes d’argent, d’avoine, de chappons, en dépouilles … de bled, en terres ahanables, préz, bos, yauwes, pastures, gardin, en droits de terraiges courant sur plusieurs héritages en droit de meilleur catel, et en toutte justice et seigneurie haulte, moyenne et basse ». Bétissart comprenait en outre huit arrières-fiefs situés à Vellereille-le-Sec, à Blicquy, à Irchonwelz, à Chièvres, et à Bétissart même. Dans la description du quatrième arrière-fief, on parle du chemin « menant à la maladrie de Bétinssart ». Y avait-il une léproserie à Bétissart au début du XVIe siècle ?

1504 | Joachim Séjournet (1.1.4.6) se dessaisit de Bétissart, qui comprend huit arrières fiefs, au profit des Lhermitte [FOR1976].

Martin Lhermite épouse en premières noces Marie de Maulde. Le couple est prospère. De ce mariage escheurent aux dits conjoints beaucoup de moyens, argent contant, héritages et autres … Ces biens, ils les rempléarent en la terre de Bettissart, laquelle depuis ils ont fort augmentée, faisant édifier la Rouge-Maison, hostellerie fort renommée [située à la croisée du chemin d’Ath à Condé et du chemin de Chièvres à Ligne, du côté du midi], joindant aussy une chapelle à l’honneur de madame Saincte-Anne. [HAC1895]. Voici donc la première mention de la Rouge-Maison, appelée plus tard Rouge Ferme ou simplement ‘La Rouge’.

Une description, sommaire mais intéressante, de la seigneurie de Bétissart apparaît dans la généalogie des Lhermite en 1602. Un plan à vol d’oiseau daté de 1608 accompagne la description ci-après.

« Auquel lieu, il y a ung bon chasteau, partie assiz sur une motte et l’auttre partie bassicolée en eaue, entouré de huict tours à l’antique, avec doubles fossez d’eau d’ung costé, lieu plaisant et fort comme bien s’est monstré durant le temps de ces guerres civiles, y ayant le susdit seigneur moderne tenu sa résidence cependant que les Balles de Tournay, Audenarde, Ninove et Brusselles estoyent rebelles, non obstant les journaillières excursions, invasions, embusches et attentats desdyts ennemys, qui par plusieurs fois l’ont tasché non seulement de le surprendre, mais aussi de l’emporter par force, par l’espace de quatre ans, come assez il est notoire aux habitants d’alentour. »

« Ainsi donc, Bétissart résiste aux exactions de la soldatesque qui sévit dans nos régions à la fin du XVIe siècle. La guerre civile dont il question est probablement celle qui met aux prises les opposants et les tenants du régime espagnol », estime Daniël Leclercq [WIKIPEDIA].

Bétissart à Ormeignies ca 1603 (Albums de Croÿ)

après 1600 | Bétissart vue de l’ouest
Adrien de Montigny pinxit (gouache)
(Album Charles de Croÿ, t. VIII, Comté de Hainaut, détail pl. 105)

Du XVIIe siècle également, une gouache d’Adrien de Montigny représente Bétissart vu de l’ouest. En dehors des maisons villageoises, on remarque sur cette gouache du XVIIe siècle une tour carrée surmontée d’un toit d’ardoise en pavillon, à l’arrière d’un bâtiment coiffé d’un toit en bâtière, dont un pignon émerge. Il ne peut s’agir d’une église ou d’une chapelle puisque Bétissart faisait partie de la paroisse Saint-Ursmer d’Ormeignies. Seraient-ce des bâtiments du château ? Le cavalier engagé sur le chemin d’Ath à Condé et Valenciennes, suivi d’un piéton en armes, se dirige vers le village et contourne par l’ouest le hameau et le château (…). Le plan de 1602 ne montre aucun sanctuaire et la disposition des chemins cadre bien avec les orientations du miniaturiste. Ce doit bien être un habitat sur motte [DUG&BER1989].

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fin XVIIe siècle | Châtellenie d’Ath
Arch. de la Ville d’Ath

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1771/1778 | Bétissart
Carte de Cabinet des Pays-Bas autrichiens levée à l’initiative du comte de Ferraris
Coll. Pro Civitate, Bruxelles, 1965, Pl. Chièvres

Ferraris montre peu de différence dans le plan du château. Cependant, on n’y voit plus les huit tours décrites en 1602 et visible sur le plan de 1608. Un bâtiment central, comme sur une île, est relié à la basse-cour par un petit pont.

Le bâtiment central a disparu au milieu du XIXe siècle. Il ne figure plus sur le plan Popp. Les fossés sont réduits à de grandes mares.

Aujourd’hui, la « ferme de Bétissart » se présente comme un ensemble de bâtiments en briques du début du XVIIIe siècle. La façade de la cour, millésimée 1704 par des ancres, est de style tournaisien simplifié. L’entrée est dominée par une haute porte charretière à encadrement de pierres surmonté d’une chaîne. A la clé, un écu porte la date 1720.

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1985 | Porche de la ferme de Bétissart © Eric de Séjournet
2002 | Ferme de Bétissart © Laetitia de Séjournet
2008 | Ferme de Bétissart © Daniël Leclercq [Wikipedia]

Malgré l’ajout récent d’annexes, cette ferme présente un intérêt architectural de toute première importance (1). La propriété compte 4,14 ha dont 71 ares d’étangs, un jardin de 20 ares et un verger de 2,66 ha. Aujourd’hui, les fossés ont été comblés, une annexe moderne remplace depuis une vingtaine d’années celle qui fut détruite par un incendie.


Notes

(1) Le Patrimoine monumental de la Belgique, Volume 13, P. Mardaga, s.l. [Liège], s.d. [1988], pp. 340-342)